Il y a un véritable plaisir à retrouver le cinéma de Mahamat Saleh Haroun. Un cinéma humaniste sans esbroufe, un miroir de l’Afrique et du Tchad qui n’a pour boussole que l’honnêteté intellectuelle et l’empathie pour les personnages. Haroun creuse son sillon, avec constance et ténacité. Mais surtout avec une belle réussite : il fait surgir l’émotion, l’attachement comme les fruits magnifiques de son travail de mise en scène. Le grand changement avec Lingui, les liens sacrés qui succède donc à Daratt ou à Un Homme qui crie, c’est que Haroun se penche ici sur le sort des femmes. Une mère célibataire cherche par tous les moyens à financer l’avortement clandestin de sa jeune fille. De cette inextricable situation sociale condamnée par la religion et le voisinage, le cinéaste réalise un drame tendu, un suspense à l’africaine où l’on tremble pour deux femmes qui risquent leur vie à tout instant. Haroun pointe l’intrusion des impératifs religieux dans l’intimité la plus stricte et dénonce un patriarcat traumatisant (excision, viol et interdiction de l’avortement). 

COURS : Lingui, les liens sacrés, rencontre avec Mahamat Saleh Haroun (Unipop ALC, saison 2021-22)